mercredi 27 août 2025

ET SI ON TENTAIT UNE PREMIÈRE SYNTHÈSE ?

Longtemps perçues comme de simples fabricants d’équipements, les marques de sport se sont imposées comme des acteurs politiques, culturels et identitaires


Mais leurs récits, souvent recyclés, paraissent aujourd’hui appauvris. 


Entre grands récits globaux en perte de vitesse et micro-communautés en quête de sens, entre icônes établies comme Nike et incursions inattendues comme Michelob, une question persiste : que reste-t-il vraiment d’une marque de sport ?


1. Pauvreté des imaginaires : « Et si les imaginaires des marques de sport étaient - en fait - d'une grande pauvreté ? »

- Comment expliquer que des marques globales, disposant de moyens colossaux, produisent finalement des imaginaires répétitifs et stéréotypés ? 

- Est-ce un manque de créativité, une contrainte liée au marché mondial, ou une stratégie délibérée d’uniformisation ? 

- Le sport est-il condamné à recycler toujours les mêmes récits (performance, dépassement de soi, corps parfait) ?

2. Redéfinir le besoin et l’existence des marques : « Aujourd'hui, quelle marque de sport a réellement besoin d'exister ? »

- Quelles marques créeraient un vrai manque si elles disparaissaient demain ? 

- La multiplication des labels et logos n’a-t-elle pas vidé le concept même de “marque” de son sens ? 

- Si 89 % des marques pourraient disparaître sans affecter les consommateurs, à quoi sert vraiment une marque de sport ?

3. Marque, sport et identité culturelle : « Ça vend quoi demain une marque de sport ? » 

- Dans un contexte où les produits sont interchangeables, qu’achète-t-on vraiment lorsqu’on consomme une marque ? 

- Le rôle de la marque est-il de vendre des chaussures, ou de vendre une appartenance culturelle, voire un style de vie ? 

- Le sport reste-t-il central, ou devient-il un simple support narratif pour toucher d’autres dimensions de la société ?

4. La marque comme acteur politique :  « Et si on faisait un mapping politique des marques de sport ? »

- Une marque peut-elle être considérée comme un acteur politique à part entière ? 

- Jusqu’où peut-elle influencer les comportements individuels et collectifs ? 

- Le sport est-il un simple prétexte pour diffuser des valeurs ou une véritable plateforme de mobilisation ?

5. Pluralité des récits versus grand récit : « Et si c'était les petites communautés qui faisaient bouger les choses ? »

- Dans un monde fragmenté, les “grands récits” universels sont-ils encore crédibles pour les marques ? 

- Les communautés locales et de niche ne sont-elles pas devenues les véritables moteurs du sens et de l’engagement ? 

- Les marques de sport peuvent-elles passer du statut de “storytellers globaux” à celui de “facilitateurs de micro-récits” ?

6. Inclusion de marques inhabituelles : « Et si Michelob était au même titre que Nike, une marque de sport ? »

- Ne risque-t-on pas une dilution du sens du sport si n’importe quelle marque peut s’en emparer pour en faire son territoire ? 

- Qu’est-ce qui définit vraiment une “marque de sport” : le produit vendu ou l’imaginaire qu’elle véhicule ? 

- Une marque de bière peut-elle légitimement prétendre participer au champ du sport si elle s’adosse à des récits sportifs ?


On reviendra plus logement sur toutes ces questions - et beaucoup d'autres - lors des cinquièmes Rencontres Sport / Equipement / Stratégie ® qui se dérouleront le jeudi 2 octobre 2025, de 8h30 à 13h au Petit Bain, autour de la question 'C’est quoi demain, une marque de sport ?" 


Infos pratiques et inscription, .

mardi 19 août 2025

ET SI LE MONDE DU SPORT S'INTÉRESSAIT UN PEU PLUS À LA DETTE CULTURELLE ?

Dans la course à l'excellence, et singulièrement à l'excellence sportive, le plus grand frein n'est pas toujours visible. 


Il s'agit d'un passif très insidieux : la dette culturelle.


Ce concept d'importance pour toute organisation visant la haute performance, désigne l'accumulation des conséquences négatives qui découlent de décisions privilégiant le gain à court terme au détriment de la culture de la fédération (ou du club...). Chaque mauvais recrutement, chaque communication défaillante, chaque compromis sur les valeurs creuse cette dette silencieuse. 


Pour une fédération, les "intérêts" à payer sur cette dette sont exorbitants :


- Baisse de la performance et du moral : Un environnement de travail toxique ou un manque de confiance envers le leadership mine l'engagement. 


- Turnover élevé : Une mauvaise culture fédérale fait fuir les meilleurs talents, qu'il s'agisse d'athlètes ou de membres du staff, entraînant une diminution des résultats, des coûts de remplacement élevés et une perte de savoir institutionnel. 


- Manque d'innovation : Une culture sclérosée, où règne la peur du changement et les rengaines "on a toujours fait comme ça" ou encore "nous c'est pas pareil..." étouffent la créativité et la capacité d'adaptation. 


- Crises et atteinte à la réputation : tôt ou tard, la dette culturelle se manifeste par des conflits internes, des cas de burnout ou des crises médiatiques qui peuvent anéantir des années de travail. 


L'inefficacité devient alors systémique. L'énergie est dépensée à gérer les frictions internes plutôt qu'à progresser.


La culture n'est pas un acquis, c'est un investissement stratégique qui relève de la responsabilité directe du leadership. 


Pour réduire la dette culturelle, il est impératif de mettre en place un management intentionnel en :


- Incarnant les valeurs : le leadership doit être le premier gardien de la culture. 


- Recrutant pour la culture : la culture est définie par qui est recruté, promu ou éventuellement licencié. Le talent ne doit jamais être une excuse pour un comportement qui dégrade le collectif. Le népotisme un poison !


- Favorisant la sécurité psychologique : il est essentiel de créer un environnement ouvert et bienveillant. 


- Auditant et ajustant : évaluer régulièrement la santé de sa culture par des enquêtes et des mécanismes de retour d'information fiables pour identifier et corriger les problèmes avant qu'ils ne s'accumulent. 


Il faut se prémunir d'une dette culturelle qui deviendra, si on la laisse filer, le passif qui anéantit les actifs les plus précieux. En investissant dans une culture saine, au-delà de rembourser une dette on crée un véritable dividende culturel, le moteur d'une performance durable et d'une excellence authentique.


Cela vaut le coup d’y réfléchir, car depuis quelques années cette dette culturelle se creuse dans de nombreuses fédérations et il faudra en payer les « intérêts » un jour ou l’autre (certaines payent d'ores et déjà un lourd tribu)…

lundi 18 août 2025

ET SI ON INVENTAIT UN CONTRAT SOCIAL POUR LA HAUTE PERFORMANCE FRANÇAISE ?

De la nécessité de forger un nouveau contrat social pour la haute performance française.


La stratégie "Ambition Bleue" a représenté une feuille de route robuste et cohérente pour le sport français en vue des JO de Paris 2024. Son efficacité a reposé sur une ambition claire et des mécanismes de pilotage qui ont fait leurs preuves.


Cette architecture stratégique révèle un paradoxe : une machine à performance de pointe dont le système d'exploitation narratif, celui qui la connecte à la société, apparaît plutôt fragile.


Ce modèle montre une focalisation quasi-exclusive sur la performance quantitative : « terminer dans le Top 5 des JO ».


La philosophie sous-jacente est celle de l'installation d'une culture de la haute performance, définie par l'exigence, la précision et une vision stratégique à long terme. Le succès se mesure par des indicateurs de rendement clairs, comme le taux de conversion des médailles mondiales en médailles olympiques par exemple.


Cependant, cette focalisation sur le résultat met en lumière le déficit narratif majeur avec une absence de philosophie unificatrice publique. Ce qui n’est pas le cas, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Australie par exemple.


Le contrat proposé à la Nation par "Ambition Bleue" est principalement basé sur la fierté nationale et l'excellence compétitive.


Cette architecture narrative engendre une vulnérabilité structurelle.


La légitimité du projet reposant quasi exclusivement sur l'atteinte de l'objectif Top 5, le modèle est plus vulnérable aux critiques en cas de contre-performance, car son utilité sociale est moins explicitement articulée que chez nos voisins.


Le contrat social qui lie l'État et la haute performance est de nature transactionnelle : des fonds publics sont investis en échange de médailles. Lorsque la transaction est réussie, comme à Paris 2024, le modèle est plébiscité. Mais si les résultats venaient à baisser (L.A n’est pas Paris), la transaction serait perçue comme un échec, et le soutien public, tant politique que financier, pourrait s'éroder rapidement. Nos concurrents, en construisant leur légitimité sur des bénéfices sociétaux multiples (inspiration, santé, cohésion), disposent d'un filet de sécurité narratif que le modèle français ne possède pas.


De plus, un narratif purement compétitif se heurte à un plafond de verre en termes d'engagement citoyen. S'il mobilise les amateurs de sport, il peine à engager la société dans son ensemble


Pour justifier un investissement public pérenne et croissant, il est impératif de démontrer un retour sur investissement qui dépasse le cadre sportif pour toucher aux grandes priorités nationales : santé publique, éducation, inclusion.


Pour compenser cette distance, construire un récit puissant (un contrat social ?), connectant l'impôt payé aux bénéfices sociétaux ressentis par tous, semble indispensable...

samedi 16 août 2025

C'EST QUOI LE RENDEMENT SOCIAL DES INVESTISSEMENTS SPORTIFS ?

Le bilan annuel 2024 de Sport e Salute et de l'Istituto per il Credito Sportivo e Culturale (ICSC) les organismes italiens plus ou moins équivalents de ce qu'est l'Agence nationale du Sport en France.


C'est à lire parce qu'on y apprend par exemple que l'Istituto per il Credito Sportivo e Culturale (ICSC), positionné comme une banque pour le développement durable à travers le Sport et la Culture, a mis en place via une méthodologie intégrée à la plateforme "Delta" (développée par/avec OpenEconomics), une évaluation du bénéfice social des investissements dans le sport mais aussi dans la culture.


Sujet dont on parle beaucoup en France pour le sport (moins pour la culture ???)...


L'analyse des projets financés par l'ICSC montre un rendement social de l'investissement (SROI) moyen de 4,55


Cela signifie que "chaque euro investi dans des projets sportifs est capable de générer en moyenne plus de 4 euros de retours sociaux, améliorant les "performances" des communautés sur des indicateurs clés tels que la santé, l'emploi, l'éducation, la lutte contre la criminalité".


Nous, en France depuis l'«Étude sur l’impact social, sociétal et économique du sport» (janvier 2025), on sait que c'est 13 euros (a minima) de retour pour 1 euro investi dans le sport.


En fait, nous n'en sommes pas tout à fait certains, mais on fait comme si parce que ça nous arrange...


Ce qui est tout aussi intéressant dans ce document italien c'est que nos voisins remarquent que même les petits investissements (moins d'un million d'euros) peuvent générer des SROI élevés s'ils touchent un large bassin d'utilisateurs.


Les investissements dans le Mezzogiorno affichent un multiplicateur social élevé, démontrant le potentiel régénérateur du sport dans les zones défavorisées.

lundi 21 juillet 2025

ET SI LA QUESTION DU CORPS NE TARAUDAIT PAS ASSEZ LES MARQUES DE SPORT ?

Le sport moderne, analysé à travers le triptyque aristotélicien : 

    - mimèsis (imitation),

    - catharsis (cohésion émotionnelle) 

    - praxis (expérience vécue), 

révèle une mutation sociétale fondamentale.


Originellement appliqué à la tragédie collective, ce triptyque s'est recentré sur l'individu-performeur, faisant du corps un territoire d'expression et de réussite personnelle dans un monde où les grands récits collectifs se sont effacés.


Dans ce contexte, le « culte de la performance » décrit par Alain Ehrenberg érige l'athlète en modèle social. 


Le corps devient un "capital-projet" à optimiser, comme l'a montré Georges Vigarello, symbolisant la réussite par l'initiative individuelle.


Cette quête de sens se matérialise dans un corps sain et entraîné.


Cette reconfiguration transforme chaque concept du triptyque :


- La mimèsis glisse de l'imitation d'actions universelles à celle des styles de vie idéalisés des athlètes-influenceurs sur les réseaux sociaux, générant comparaison sociale et anxiété psychologique.


- La catharsis devient une libération émotionnelle de masse, globalisée et commercialisée, exploitée par l'industrie du sport et la politique, tout en offrant de rares moments de communion collective.


- La praxis se métamorphose en performance quantifiée ("Quantified Self"). Les technologies de suivi optimisent le geste mais risquent d'aliéner le sujet de son intuition corporelle en le transformant en un "double numérique".


Le sport contemporain est donc paradoxal : il est un puissant outil d'émancipation et de lien social, créant des communautés (comme le CrossFit ou l’HYROX) qui allient individualisme et esprit de tribu. 


Simultanément, il est un vecteur de nouvelles normes de performance et de contrôle biopolitique, reflétant les tensions du sujet moderne.


Le corps sportif, territoire d'expression de toutes ces tensions, demeure sans doute le sismographe le plus sensible et le plus fidèle des métamorphoses de l'individu dans la société contemporaine.


D'où cette question : "Pourquoi diable les marques qui nous habillent, accessoirisent ou équipent nos corps, singulièrement les marques de sport, ne s'intéressent-elles que si peu ou si mal au Corps ?"


On y reviendra lors des prochaines Rencontres Sport/Équipement/Stratégie ® organisées le jeudi 2 octobre prochain autour de la question « C’est quoi une marque de sport demain ? »