« Changer ses désirs [plutôt] que l’ordre du monde. » nous dit Descartes dans la 3e maxime de la morale provisoire du "Discours de la méthode".
C'est probablement l'enjeu mais également le défi auxquels nous devons faire face, y compris dans le sport et ce, jusque dans nos pratiques sportives les plus anodines et quotidiennes.
Pas facile alors quand on s'est choisi comme désir quasi unique et érigé en modèle quasi exclusif : la compétition, la victoire, le champion (dont on croit naïvement qu'en le nommant guerrier, il n'en sera que plus héros), le dépassement de soi et surtout des autres.
Ce désir de victoires, d'excellences relatives, de vaincre est, et depuis longtemps, ancré dans nos imaginaires, nos certitudes mais ce désir est-il en phase avec "l'ordre du monde" ?
Ce désir nous offre-t-il des moyens de répondre aux grandes crises du moment : crise des ressources, crises environnementales, disparition du vivant ?
Pour assouvir ce désir, le sport s'est doté d'outils, il n'a en cela pas été très original emboitant le pas de l'éducation, de la religion, de l'État.
Michel Foucault en son temps l'avait analysé avec beaucoup d'acuité : évaluer (on dit profiler désormais dans le sport) et quantifier pour connaitre (la connaissance est toujours un alibi très pratique du contrôle), rationaliser pour classifier (et donc classer), classifier pour normaliser et in fine former.
On l’a souvent dit, le sport est affaire de domestication, donc de contrôle : contrôle des corps, du temps, des espaces, des interactions. "Surveiller et Punir" nous dit Foucault.
Alors on substitue quoi à ce modèle qui nous éloigne de l'ordre du monde, qui a montré toutes ces limites et nous a conduit dans l'impasse civilisationnelle dans laquelle nous sommes, si on veut continuer à promouvoir le sport, les activités physiques ou sportives et leur pratique par le plus grand nombre ?
On invente quel nouveau "Grand Récit" ?
Peut-être pourrait-on avantageusement retrouver les vertus du jeu, cette activité gratuite et inconséquente, disponible immédiatement quelque soit l'endroit où l'on se trouve, cette activité imparfaite et sans normes figées (voir "Et si Spotify devenait un modèle pour le monde du sport ?" ), un hédonisme léger qui permettrait de faire société sans chercher à classer ou hiérarchiser, qui repousse loin de nous les oligarchies arrogantes pour prôner la seule valeur qui permet au vivant de perdurer et de survivre en harmonie avec son environnement : la solidarité.