De quoi le mot "performance" est-il le nom ?
De prime abord cela peut paraître évident, mais en est-on si sûr ?
Le mot performance a pris beaucoup de place depuis quelques années dans le langage institutionnel du sport français, notamment dans les désignations de fonctions.
Ainsi, alors que pendant très longtemps le ministère des Sports s'était doté d'une structure de "préparation olympique" celle-ci est devenue, de manière assez cocasse il faut bien le dire, une "mission d'optimisation de la performance" sans qu'on ne nous ait expliqué alors ce que l'on entendait par performance ni en quoi celle-ci pourrait être optimisée. Cette mission a aujourd'hui disparu au profit du pôle haute performance et haut niveau de l’Agence Nationale du Sport.
Où l'on a découvert donc que la performance est désormais "haute", à défaut d'être optimisable et qu'elle est différente du "haut niveau" et que pour diriger tout cela, nous nous sommes doté d'un manager général de la haute performance, celui-ci vient de changer il y a quelques jours (voir là).
Le précédent avait d'ailleurs beaucoup insisté dès sa nomination pour que dans les fédérations sportives olympiques ou paralympiques, apparaissent des "directeurs de la performance" dont il voulait qu'ils fussent ses interlocuteurs privilégiés plutôt que les historiques DTN, cela n'avait pas manqué de provoquer quelques frictions.
On notera également que peu de temps avant la création de l’Agence Nationale du Sport en 2017, le ministère des Sports s'était lui-même doté d'un "délégué ministériel à la haute performance sportive", instituant ainsi ce concept de "haute performance sportive" qui s'est peu à peu substitué au concept de "haut niveau" qui fondait jusqu'alors les politiques publiques.
À défaut d'avoir défini le concept de "performance" (mais on n'a pas défini celui de sport non plus...) peut-être pouvons-nous espérer la mieux comprendre en regardant comment on la mesure, comment on l'évalue ? Là encore, rien de très précis...
On me rétorquera que la médaille d'or pourrait faire un étalon tout à fait acceptable...
Mais alors que penser à l'issue des JO de Paris 2024 de ces sportifs talentueux, qui n'ont du leur participation qu'aux quotas "pays hôtes" qui se sont vu remettre une médaille d'or sans même concourir ?
Que penser également de ces jeunes nageuses artistiques françaises, dont nous avons toutes et tous salué la formidable performance et qui n'ont pas été médaillées ? (voir, là)
"Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde", écrivait Camus en 1944, il n'y a pas grand risque de malheur dans notre petite affaire de performance, mais si elle doit faire l'objet d'une, alors la bien définir permettrait peut-être d'optimiser la dépense publique...
On en reparlera, le jeudi 10 octobre prochain lors des huitièmes Rencontres de la Prospective Sportive ® organisées autour de la question "Et s'il était urgent de redéfinir la performance sportive ?"